Redistribuer
les bénéfices
—À quelle erreur faites-vous allusion?
—Le 14 octobre 1936, le conseil municipal est
formé avec les tendances politiques et les syndicats de la ville. On y
concentre tout ce qui fait référence aux activités générales de la ville,
notamment l'industrie et l'économie. C'est une conception qui nous semble aller
vers la mise en place d'une commune libertaire. La CNT contrôle neuf conseils
et dirige celui de l'économie. De façon incompréhensible, et là est son erreur,
elle abandonne le conseil économique de Terrassa, aussitôt occupé par l'UGT
jusqu'à la fin du mois de mai 1938. Le conseil économique contrôlé par l'UGT
devient une énorme entreprise appliquée en premier lieu à taire des bénéfices
sur les matières premières destinées à la production pour la guerre.
Ces matières, cédées par le gouvernement à des prix déterminés ou négociés par le conseil municipal économique de sa propre initiative, transformées par l'industrie textile pour les nécessités de l'arrière, sont facturées à des prix qui laissent une marge exagérée de bénéfice. Le conseil municipal économique s'en octroie une partie, oubliant que ces bénéfices reviennent aux industries et aux collectivités. Le bilan est positif avec des millions de pesetas de bénéfice. Pourtant, certaines entreprises sont obligées d'avoir recours à une aide auprès de la Généralité de Catalogne, démarche qui favorise les intérêts politiques de cette dernière. En effet, cette aide implique, lorsqu'elle est accordée, la présence d'un intervenant de l'entreprise, ce qui, à terme, entraîne l'arrêt de la collectivité. La CNT dut faire des concessions jusqu'à ce que les choses changent au mois de mai 1938.
Ces matières, cédées par le gouvernement à des prix déterminés ou négociés par le conseil municipal économique de sa propre initiative, transformées par l'industrie textile pour les nécessités de l'arrière, sont facturées à des prix qui laissent une marge exagérée de bénéfice. Le conseil municipal économique s'en octroie une partie, oubliant que ces bénéfices reviennent aux industries et aux collectivités. Le bilan est positif avec des millions de pesetas de bénéfice. Pourtant, certaines entreprises sont obligées d'avoir recours à une aide auprès de la Généralité de Catalogne, démarche qui favorise les intérêts politiques de cette dernière. En effet, cette aide implique, lorsqu'elle est accordée, la présence d'un intervenant de l'entreprise, ce qui, à terme, entraîne l'arrêt de la collectivité. La CNT dut faire des concessions jusqu'à ce que les choses changent au mois de mai 1938.
—Donc, que se passe-t-il avec les
collectivités à partir du mois de mai 1938?
—L'instabilité
constante du panorama politique, due à la guerre et à la politique menée par le
PSUC avec la Généralité de Catalogne, provoque la réduction des pouvoirs
économiques que la révolution a mises en place sous la supervision du conseil municipal.
À leur place, le conseil économique de Terrassa est créé par décret de la
Généralité de Catalogne le 10 mai 1938, comme étant sa propre délégation. Un
président de l'UGT est nommé et afin de maintenir un certain équilibre, elle désigne
comme vice-président un membre de la CNT. Paradoxalement, ce dernier, moi-même,
se charge de tout ce qui concerne la fabrication pour l'industrie de guerre en relation directe avec les
collectivités.
Pour la nouvelle étape, la CNT décide:
- Avec les bénéfices obtenus lors du dernier bilan financier, le nouveau conseil économique de Terrassa aide immédiatement les entreprises collectivisées ayant des difficultés financières et leur donne les moyens de continuer leurs activités. À partir de ce moment-là, aucune entreprise collectivisée ne doive recourir à la Généralité de Catalogne.
- Étant donné que le système d'alimentation en eau de la ville est insuffisant, un million de pesetas —une quantité très importante dans cette époque— est prélevée sur les bénéfices et transféré au conseil municipal afin de poursuivre la réalisation du projet de captation et d'amélioration de la distribution de l'eau, décidé avant le 19 juillet 1936.
- À compter de ce jour, le conseil économique de Terrassa ne fait plus de bénéfices. Les excédents de capital à la fermeture des exercices administratifs servent aux collectivités et aux travaux urbains d'utilité publique.
Pour la
socialisation
Ce plan, pour l'essentiel, est mené à son
terme. La municipalité peut disposer de son million de pesetas. Elle aide
certaines petites collectivités équipées de vieilles machines à redémarrer. Ces
dernières avaient été abandonnées par l'ancien conseil économique en raison
d'un rendement jugé insuffisant. Pour nous cela ne comptait pas. L'important était que tous les
travailleurs aient des moyens d'existence décents.
De gauche á droite: Federico Marín, Pedro Costa, Minerva Sábat, Francisco Sábat i Maria Sábat (Montpellier, 1946). |
Grâce à ces mesures, le fonctionnement de
certaines choses change et notamment celui de l'activité industrielle qui redémarre
en quelques semaines.
Si la socialisation doit supprimer le chaos
d'inégalités injustes, tout ne s'est pas toujours déroulé comme nous l'aurions
souhaité. Nous sommes confrontés, par exemple, au déficit de l'approvisionnement
en courant électrique, nos conditions de travail sont très pénibles ; notre
alimentation est insuffisante, tant en qualité qu'en quantité. Pourtant, malgré
tous ces problèmes, les collectivités tournent relativement bien. Si la vraie
tragédie se déroule réellement sur le front, nous devons aussi nous préoccuper
de la socialisation. Toutes les entreprises collectivisées, dans les conseils
desquelles la CNT est majoritaire, sont favorables à la socialisation, en
accord avec le plan établi par notre organisation. Parmi elles, se trouvent les
deux entreprises les plus importantes de Terrassa. Ce courant s'est confirmé
lors d'une assemblée générale de conseils d'entreprise tenue à la mi-septembre
1938 au Théâtre du Peuple (ex-Théâtre Principal). Nous avons continué de
travailler dans ce sens, mais malheureusement le plan de socialisation n'a pu
s'appliquer sur le terrain. Quatre mois plus tard, le 26 janvier 1939, les
hordes fascistes entraient à Terrassa.
(Entrevista publicada a Les Temps Maudits, n. 16,
París, 2003. Traducció de l’entrevista apareguda a Al Vent, n. 90, Terrassa, 1986; realitzada per Valérie Minerve Marin.)
No hay comentarios:
Publicar un comentario